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Album "Rock With a Sock" - 1955 - 4 extraits 
 



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BIOGRAPHIE de MICKEY BAKER

  
Mickey (Mc Houston) BAKER, est né le 15 octobre 1925 à Louisville (Kentucky). Il n'a pas connu son père et se trouva assez vite séparé de sa mère. Il s'improvisa disc-jockey, chargé du jukebox de la taverne de son oncle. En ce temps-là, le whisky de contrebande distillé par les bûcherons du Kentucky coulait à flots dans les dancings où l'on se pressait au son de "Jelly Roll Baker", "Oh Red!", etc...

C'est en 1937 que Mickey se rend à Saint Louis, après être passé par un centre de redressement et avoir exercé différents métiers. Se joignant à un carnaval itinérant, il monte à Chicago "pour voir les gangsters", puis arrive à New York en 1942, où il fréquente assidûment l'Apollo Theater, où se produisent tous les artistes Noirs qui ont "réussis": la merveilleuse chanteuse Lil'Green qu'il connait pour avoir assisté à l'une de ses tournées, Hot Lips Page qui joue avec Count Basie, Jimmy Rushing, Viola Wells, et tant d'autres. Il y a plusieurs spectacles par jour et Mickey est très souvent dans les coulisses. En 1944, son admiration pour le trompettiste Dud Bascomb est si intense qu'il décide de se lancer dans cette voie: trompettiste, mais l'instrument s'avérant trop cher, il se rabat sur une guitare Harmony, d'occasion, pour 14 $, ce qui est même cher compte tenu de la sérieuse entaille dans la caisse qui en altère la sonorité, mais qui va le motiver à prendre des cours auprès du célèbre Rector Bailey. Cela durera quelques années. Mickey est alors prêt pour jouer du Be-Bop au sein des Incomparables dirigés par le pianiste Jimmy Neely, en 1947.

Les guitaristes Oscar Moore, Floyd Smith, Alvino Ray, qu'il trouve l'occasion d'entendre l'influencent beaucoup; le frère d'Oscar: Johnny Moore, également. Evidemment aussi : le jeu inégalé de Charlie Christian, disparu déjà depuis six ans,et qui pour tous ces guitaristes demeure une idole. C'est en 1950 que Mickey en voyage sur la Côte Ouest découvre le succès remporté par Pee Wee Crayton,"avec très peu de notes" ("Blues After Hours") remarque-t'il en riant, ce qui lui parut invraissemblable, à lui qui était déjà expert en phrasés de jazz sophistiqués, étudiant le solfège."Il m'a donné l'idée de faire la même chose: de jouer du Blues, puisque ça marchait à ce point-là!". Mickey travaille dans la journée à Oakland afin de pouvoir payer son retour à New York, et jouer le week-end en clubs, à Richmond ;i l   est fermement décidé à monter un orchestre et à amener ce Rhythm and Blues qui paye si bien à New York.

De retour à Harlem "où T.Bone était roi", il rencontre le pianiste Jack Dupree, ainsi que Lonnie Johnson, mais ses copains qui étaient comme lui formés dans ce contexte "jazz" le prennent pour un fou. Le Jazz, joué en tenues de soirées, dans les nightclubs, avait acquis une certaine réputation auprès du monde blanc ; le Blues au contraire était pratiquement méconnu sur cette Côte Ouest, et la communauté noire acceptée dans ces circonstances y voyait même un malencontreux "retour en arrière". C'est dans un petit combo de Calypso (alors à la mode), se produisant sur la 125ème rue, que Mickey s'insère. Le chanteur-pianiste Billy Valentine essaie d'imiter Charles Brown, et Mickey joue dans le style de Johnny Moore. Une séance d'enregistrement est conclue chez Decca. Mickey, se familiarisant avec les studios trouve une opportunité d'y amener sa guitare plus souvent, engagé pour accompagner la chanteuse Varetta Dillard pour Savoy, auprès d'Hal Paige pour Atlantic, et même aux côtés de Little Esther, déjà en déboires de santé, et loin de son "parrain" Johnny Otis. Il trouve aussi l'occasion d'enregistrer sous son nom un "Guitar Mambo", instrumental qui rencontrera un petit succès. On entend aussi sa guitare au sein de l'orchestre accompagnant la chanteuse Ann Cole, créatrice de la toute première version de "Got My Mojo Workin'", ainsi qu'avec Ruth Brown, Earl Bostic et d'autres. Mickey est devenu assez rapidement un guitariste de Rythm'n'Blues apprécié.


En 1953, se forme le duo Mickey & Sylvia (Vanderpool) qui va se faire connaître grâce à la vogue du Rock and Roll. Mickey enregistre aussi avec Ray Charles, Amos Milburn, Clyde Mc Phatter, Sticks Mc Ghee... En 1954, le saxophoniste Sam Taylor, Jack Dupree, Larry Dale, Panama Francis réclament son concours sur différentes sessions. Mickey joue aussi avec Floyd Dixon, Joe Turner, Lavern Baker, Nappy Brown. Guitariste maison du label Groove dont Danny Kessler est producteur, on pourra entendre sa guitare déjà incisive sur le "Country Boy" de Tiny Kennedy (copie du "Bear Cat" de Rufus Thomas et du "Hound Dog" d'Ella Mae Thornton) et sur le blues: "Midnight Hours" chanté par Larry Dale, échangeant plaisanteries entrecoupées de solos de guitare avec le saxophoniste: Mister Bear (Teddy McRae).

En 1955, Mickey Baker & His Houserockers, sortent sur le label Rainbow un excellent "Shake Walkin'", instrumental percutant, "Rock With A Sock" plus jump-style, et "Shake It Up", tous trois présentent bien l'orientation "rock'n'roll" de Mickey. C'est sur ce même label que Sylvia et lui vont sortir de nouveaux titres qui vont les propulser au rang des stars du Alan Freed Rock'n'Roll Show qui sévira de 1956 à 58. Tout d'abord avec la ballade: "Love Is Strange"(1956), qui fit un hit monumental. Mickey enregistre aussi l'album: "Rock With Sammy Price & His Orchestra" avec le célèbre pianiste et compose avec Bo Diddley avec lequel il s'est lié d'amitié, le fameux slow: "Dearest" (Umm Oh Yeah) qui sera repris par Buddy Holly (en déc.58). En 1956, c'est Louis Jordan qui lui demande sa présence pour enregistrer une nouvelle séance de ses succès, relookée "Rock'n'Roll", arrangée par Quincy Jones, "Big Bess",etc... C'est aussi Mickey, devenu la guitar-star du Black Rock and Roll newyorkais la plus demandée, qui est présent sur de très nombreuses faces Okeh de la fabuleuse chanteuse Big Maybelle, dont plusieurs s'inspireront par la suite. Ecoutez donc par elle cette toute première version orchestrée du "Whole Lotta Shakin'Goin'On" de Roy Hall, ou la guitare de Mickey sur ce blues déchirant: "I Ain't To Be Played With". Les saxophonistes Big John Greer, Buddy Lucas, réclament aussi son concours, déchainés par leur triomphe au Brooklyn Paramount Theater. C'est ainsi que Mickey va aider à démarrer le jeune King Curtis, qui ne lui en sera guère reconnaissant, ivre de son succès. Avec un nouvel instrumental: "Spinnin'Rock Boogie" (avec le Bill Kendricks Orchestra. s/MGM ), la guitare de Mickey brille encore de mille feux. Il avoue admirer le solo de Billy Butler sur le "Honky Tonk" de Bill Doggett. Le jeune rock'n'roller blanc Joe Clay, émule d'Elvis, le fait graver quelques solos incisifs sur ses "Get On The Right Track", "Cracker Jack"... (sur Vik en 56) et l'on se doit de connaitre aussi son incursion cette même année sur le "Little Demon" de Screamin'Jay Hawkins qui s'affirme, ainsi que sur un single de Roy Gaines. Dans le début des années 50, le nombre d'artistes Rythm'n'Blues et Rock'n'Roll (mais aussi: Doo-Wop, Gospel, Jazz...) qui ont enregistrés avec Mickey Baker sont innombrables !

Après la période de gloire de Mickey & Sylvia, Mickey se tourne à nouveau vers le Jazz, en quartet avec le pianiste Herman Foster et la chanteuse Kitty Noble. Sa rencontre avec Ike & Tina Turner aboutit aussi à un single; T.N.T.Tribble est à la batterie; Mickey donne la réplique à Tina, comme il faisait avec Sylvia sur ce "It's Gonna Work Out Fine" (sur Sue, en 1961).

Ecoeuré par la mentalité raciste de son pays et resté seul à New York alors que celle dont il est amoureux est retournée en Europe, Mickey décide de traverser l'Atlantique, pour rejoindre sa Monique aux sports d'hiver en Suisse, puis vient rejoindre son ami Memphis Slim, installé bien avant lui à Paris. Durant toutes ces premières années des 60's, Mickey va tenir un rôle important en tant qu'arrangeur, derrière tous les succès des "Yés-Yés" que l'on entend dans l'émission "Salut Les Copains". Déjà auteur de plusieurs méthodes de guitare aux USA, c'est à lui que Daniel Filipacchi demande de rédiger "La Méthode de Guitare S.L.C.", qui aura du succès parmi les jeunes, impatients de pouvoir jouer du rock'n'roll comme leurs idoles. Mais Mickey a du mal à se faire entendre dans ce milieu assez suffisant qu'est le show-biz hexagonal, où les méthodes sont encore très "provinciales". On ne le reconnait pas en tant que star américaine, et comme bon nombre de musiciens de jazz noirs américains émigrés en Europe, on ne retient de lui que l'image superficielle et tout-à-fait déplorable du "bon nègre", buveur de whisky, amusant, etc... De plus, la place est chère pour trouver un emploi régulier dans les clubs de jazz. Kenny Clarke lui conseille d'écrire de la musique pour le cinéma. Devant tout apprendre du métier (chant, accords de guitare, tenue en scène...) à ces jeunes recrues de la musique "Yé-Yé", véhiculés d'un jour à l'autre dans l'industrie du disque, souvent par copinages, Mickey perd patience, tombant de haut. Il fera faire ainsi leurs premiers pas à Ronnie Bird, Françoise Hardy, Billy Bridge, Sylvie Vartan, Chantal Goya.... Mickey n'aime pas se remémorer cette période où il eût l'impression d'avoir à faire à des gens dépourvus de talent et d'ambition, complètement "fabriqués" par l'industrie phonographique française, "alors qu'aux USA, il y avait tellement de bons musiciens, de chanteurs et de chanteuses qui en voulaient, à qui l'on n'avait pas besoin d'expliquer cent fois ce qu'il fallait faire...". Et cette conscience professionnelle lui créa même du tort auprès des bookmakers français, jaloux de son charisme et qui finirent par le considérer comme une espèce de" marginal". Certes, il sera présent auprès de tous ses amis noirs américains se produisant et enregistrant sur le territoire, parfois en Angleterre, en Allemagne...: Memphis Slim (sur Polydor), Champion Jack Dupree (en 67 à Londres, sur Decca, ou encore avec la merveilleuse séance de "The Tricks" où les deux compères ne tarissent pas d'échanger plaisanteries et souvenirs tout en jouant ensemble (sur Vogue, en 68). Avec son meilleur ami : Memphis Slim (Peter Chatman de son vrai nom), Mickey se produit au Festival de Montreux 73 et la même année, profitant d'une tournée des Aces, maîtres incontestés du Chicago Blues (les frères Myers avec le batteur Fred Below) + Jimmy Rogers, il enregistre à Toulouse un excellent LP de Blues sur Black & Blue (33 507) auquel seront rajoutées des faces gravées l'année suivante à Paris avec Tiny Grimes. Mais qui parmi ses fans connait ses tentatives régulièrement répétées de produire un Hit, avec différents orchestres, aussi bien dans le créneau: musique cosmique, hippy, funky, avec le Alex Saunders Band, que country-blues acoustique, avec Stefan Grossman, ou encore hot jazz, inspiré de Charlie Christian, avec le Henry Chaix Trio?...

Mickey n'arrête pas d'écrire, d'inventer thèmes et morceaux originaux, d'enregistrer (labels Blue Star, Roots, Artist, Disques Office, Kickin' Mule, Bellaphon, Blue Silver...). Il a donné un Hit à Colette Magny en lui écrivant "Melocoton", mais celle-ci non plus ne lui en est pas reconnaissante. Elle ne veut pas de cette étiquette de chanteuse de Blues, préférant les chansons communistes. Quant aux rééditions des anciens disques américains de Mickey qui apparaissent sur le marché, impossible d'en récupérer les droits. Aux USA, lorsqu'il y retourne, on met à sa disposition une belle voiture, une chambre d'hôtel luxueuse, mais rien à faire pour obtenir le moindre dollar de ces comptables mal à l'aise. On lui doit pourtant des fortunes. Enfin dans les années 80, Mickey rencontre la future Marie Baker, chanteuse de jazz, dont la voix juvénile et sexy n'est pas sans rappeler celles de Little Esther Phillips, Billie Holiday... C'est le coup de foudre et un nouveau mariage. (Mickey a de grands enfants des précédents, en Amérique). A Toulouse, il "perd (to loose) son blues" !. Le couple enregistre plusieurs disques et finit par se produire en tournées, devenant à la longue très fatigantes, dans de petits nightclubs. Et un coup très dur lui est asséné lorsque trouvant enfin l'occasion de faire jouer sa "Blues Suite", en Suisse, avec un orchestre philharmonique, écrite de longue date et dont il attend beaucoup, l'équipe technique de sonorisation s'avère en-dessous de tout ce qu'il est possible d'imaginer, n'ayant prévu que quelques malheureux micros pour un orchestre symphonique de plusieurs dizaines de musiciens. Mickey se fâche, dégoûté définitivement des conditions dans lesquelles se fait la musique en Europe.

On reverra cependant Mickey "Guitar" Baker sur la scène du Cirque d'Hiver à Paris, à l'occasion de l'anniversaire du magazine Soul Bag, dans un programme qui incluait Junior Wells, Carl Wheathersby, Billy Branch et de nombreux groupes de blues français. C'est par amitié avec l'un d'eux: les Blues Fellows, que Mickey accepte et propose même d'enregistrer en leur compagnie, en 1993, son dernier disque: "Farewell To The Blues" où il reprend avec fougue plusieurs de ses anciens morceaux, au bout de plusieurs semaines d'exercices pour se délier les doigts et allant chercher sa Gibson électrique de sous son lit. On le verra également à Montauban en 1998, à la guitare acoustique, en première partie de Joe Louis Walker. Quelques années après, il est invité à Los Angeles pour recevoir le "Pionner Awards" de la Musique Noire Américaine, en compagnie de John Lee Hooker, Isaac Hayes et d'autres, et se produira à cette occasion entouré de l'orchestre de Big Maceo.

Mickey Baker qui eut sa période de gloire aux USA dans la seconde moitié des années 50, n'est pas suffisamment connu pour ses production ultérieures. Auteur de nombreuses méthodes de guitare (il en sortait encore une nouvelle en 2001 chez Mel-Bay), il a également rédigé en compagnie de Jesper Ismael un livre autobiographique passionnant: "Alone - ou: Love Is Strange", illustré de photos rares et qui comporte la discographie la plus complète et détaillée dont on puisse rêver à son sujet.



(par Phil Dubois, dans son encyclopédie "The Jump-Blues Guitar Killers 40's - 50's")




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